Infection néonatale à Streptococcus agalactiae

 

S. agalactiae ou streptocoque du groupe B (SGB) est une bactérie commensale des voies digestives de diverses espèces animales et de l'homme. Reconnu comme le principal agent étiologique des infections néonatales dès les années 1970, SGB est également responsable d’infections graves chez la femme enceinte ou en post-partum et d’infections invasives chez l’adulte en dehors de la grossesse, en particulier chez les sujets âgés de plus de 65 ans et chez les sujets atteints de pathologies sous-jacentes (dénutrition, diabète, cirrhose, insuffisance rénale, cancers, etc.). La mortalité avoisinerait 9% chez les adultes et 4% chez les nouveau-nés.

 

Historique

 

Dans une monographie parue en 1887, le médecin vétérinaire et microbiologiste Edmond Nocard décrit pour la première fois, sous le nom de « Streptococcus de la mammite », un nouvel agent pathogène responsable de la mammite enzootique des vaches laitières. Dénommé Streptococcus agalactiae en 1896. il reste considéré comme un pathogène animal d’importance mineure en médecine humaine jusqu’aux années 1970, période à laquelle Théodore Eickhoff décrit cette bactérie comme l’un des principaux agents responsables d’infections néonatales. L’incidence s’est par la suite stabilisée chez les nouveau-nés alors qu’elle est toujours en progression chez l’adulte.

 

 

Aspects cliniques et épidémiologiques des infections à SGB 

 

L’infection néonatale

Le syndrome précoce

Les infections néonatales à SGB sont différenciées en fonction de l’âge d’apparition des symptômes en deux syndromes. Le syndrome précoce apparaît dans la première semaine de vie et, pour près de 80% des cas, dans les premières 24 heures. Jusqu’à la mise en place aux Etats-Unis et en Europe des mesures de dépistage anténatal du portage vaginal et d’antibioprophylaxie per-partum en cas de dépistage positif, le syndrome précoce représentait la grande majorité (80%) des infections néonatales à SGB. La proportion a graduellement diminué pour atteindre 50% des infections néonatales à SGB, soit environ 0,3 cas annuels pour 1000 naissances vivantes.

L’infection précoce est caractérisée par un syndrome de détresse respiratoire et une pneumonie compliqués d’une septicémie et, dans 4 à 28% des cas selon les études, d’une méningite. Ces cas résultent soit d’une infection ascendante in utero au travers des membranes placentaires, soit le plus souvent, de l’ingestion ou de l’inhalation par le nouveau-né de sécrétions vaginales contaminées au cours de la délivrance. En effet, une colonisation asymptomatique des voies génitales féminines, chronique ou intermittente, est constatée chez 10 à 35% des femmes. En l’absence d’antibioprophylaxie per-partum, 50 à 70% des enfants nés de femmes colonisées seront à leur tour colonisés et 2% d’entre eux déclareront une infection invasive à SGB. L’inhalation du liquide amniotique entraîne la colonisation de la muqueuse respiratoire, rapidement suivie du développement d’une pneumonie sévère. Le franchissement de l’épithélium pulmonaire conduit à la dissémination du pathogène et à l’apparition d’un sepsis sévère. Les sérotypes capsulaires des souches de SGB responsables de syndrome précoce correspondent globalement à la distribution retrouvée dans les prélèvements vaginaux, avec, en proportion relativement équivalente, les sérotypes Ia, III, V et II en Europe occidentale et en Amérique du Nord.

Le syndrome tardif

Le syndrome tardif est défini par une infection débutant au-delà de la première semaine de vie et pouvant survenir jusqu’à plusieurs mois après la naissance. Son incidence est stable depuis 10 ans, estimée à 0,4 cas annuels pour 1000 naissances vivantes, témoignant de l’inefficacité de l’antibioprophylaxie per-partum dans la prévention des infections néonatales tardives.

L’infection tardive se manifeste par une septicémie sans mise en évidence d’une porte d’entrée associée. Ces syndromes peuvent se compliquer de localisations secondaires et la méningite, plus fréquente dans ce contexte (26 à 66% des cas selon les études), peut provoquer des séquelles neurologiques sensorielles, motrices ou mentales importantes. Contrairement au syndrome précoce, les circonstances physiopathologiques menant à la survenue d’une infection néonatale tardive ne sont que partiellement élucidées. La transmission verticale de la bactérie lors de l’accouchement semble le scénario le plus probable, suggérant que la bactérie pourrait persister au niveau digestif chez le nouveau-né. L’hypothèse d’une transmission par le lait maternel a également été avancée, mais est mise en défaut par les nombreux cas d’infections néonatales tardives qui surviennent chez des enfants non allaités.

Contrairement au syndrome néonatal précoce, pour lequel tous les sérotypes capsulaires sont représentés de manière relativement équivalente, les syndromes tardifs sont en large majorité provoqués par des souches de SGB de sérotype III (50 à 80% des cas). De plus, diverses études épidémiologiques ont identifié, parmi ces souches de sérotype III, un clone fortement associé aux infections néonatales tardives comparativement aux souches de portage ou aux souches responsables d’infections chez l’adulte. Ce clone, désigné clone hyper-virulent ST-17, est en outre responsable à lui seul de 80% des cas de méningites. L’hyper-pathogénicité et le tropisme méningé du clone ST-17 a récemment pu être attribuée à des capacités accrues de colonisation du tube digestif et de franchissement des barrières physiologiques, en particulier intestinale et hémato-encéphalique.

L’infection de la femme au cours de la grossesse

Plus rarement, SGB peut être impliqué dans des infections graves chez la femme enceinte dont l’issue pour le nouveau-né est souvent fatale (60% des cas). La manifestation la plus fréquente (50% des cas) est l’infection du haut appareil génital (placenta et cavité amniotique) qui conduit à la mort fœtale in utero. Les autres manifestations incluent des bactériémies, des endométrites et chorioamniotites non associées à une mort fœtale et, de façon plus exceptionnelle, des pneumonies et des fièvres puerpérales. L’infection au cours de la grossesse survient le plus souvent en dehors de tout contexte de pathologie sous-jacente, mais certains facteurs de risque ont été identifiés, tels que le tabagisme, l’asthme, le diabète ou l’obésité.

L’infection chez l’adulte, en dehors de la grossesse

L’incidence des infections invasives à SGB chez l’adulte est en constante augmentation depuis la fin des années 1990, en particulier chez les patients de plus de 65 ans. Au cours des deux dernières décennies, l’incidence rapportée a doublé voire quadruplé, atteignant 7,3 cas annuels pour 100 000 individus en 2007, aux Etats-Unis. De plus, ces infections sont associées à un taux de mortalité avoisinant 20% chez l’adulte de plus de 65 ans, notablement plus important que le taux de mortalité associé aux infections néonatales. SGB semble se comporter comme un pathogène opportuniste chez les sujets atteints d’une grande diversité de pathologies sous-jacentes, incluant les cancers, le diabète (en particulier lorsqu’il est associé à une insuffisance vasculaire périphérique), les pathologies cardio-vasculaires, l’insuffisance rénale chronique et chez les sujets sous traitements immunosuppresseurs. Chez l’adulte, les manifestations les manifestations les plus fréquentes sont les infections de la peau et des tissus mous, les septicémies, les infections urinaires hautes, les pneumonies, les arthrites, les ostéomyélites et les endocardites. L’émergence du sérotype V en tant que sérotype majoritaire dans ce contexte a été soulignée dès 1996 et il représente aujourd’hui 30 à 50% des isolats responsables d’infections chez l’adulte.

 

Traitement

 

Les bêta-lactamines constituent les antibiotiques de choix pour l’antibioprophylaxie per-partum et pour le traitement des infections à SGB. Une association avec des antibiotiques de la classe des aminosides est synergique et donc possible en cas d’infection sévère. La résistance aux macrolides et lincosamides, utilisés en particulier en cas d’allergie aux bêta-lactamines et dans les infections ostéo-articulaires, concerne environ 20% des isolats humains en France.

L’antibioprophylaxie utilisée pour la prévention du risque infectieux néonatal précoce est l’amoxicilline par voie intraveineuse à la dose de 2 g suivie de 1 g toutes les 4 heures jusqu’à l’accouchement. En cas d’allergie aux β-lactamines, la clindamycine par voie intraveineuse pourra être proposée à la posologie de 600 mg par 4 heures pendant toute la durée du travail.

 

 

Perspectives vaccinales

 

Il n’existe pas actuellement de vaccin utilisé pour la prévention des infections à SGB. Cependant, étant donné l’incidence croissante des infections à SGB chez l’adulte, l’incapacité à prévenir l’infection néonatale tardive par l’antibioprophylaxie per-partum et l’infection au cours de la grossesse, le développement d’un tel vaccin suscite un intérêt grandissant. Cet intérêt est renforcé par l’émergence de souches résistantes aux macrolides, qui constituent la deuxième ligne d’antibiothérapie en cas d’allergie aux bêta-lactamines.

Des essais cliniques avec administration de candidats vaccins préparés à base de capsules de différents sérotypes de SGB ont été réalisés, démontrant que la capsule constituait effectivement un candidat intéressant pour la mise au point d'un vaccin dirigé contre SGB. Cependant, la synthèse d’un vaccin procurant une immunité efficace contre tous les sérotypes demeure un problème délicat. Des protéines de surface de SGB, représentent une deuxième cible vaccinale potentielle.

 

 

 

 



















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